Disponibilité Technique : l’Oeuf ou la Poule ?
Vous connaissez le Paradoxe de Simpson ?
(il serait d’ailleurs plus correct de parler « des Paradoxes de Simpson »)
Il se produit en particulier quand l’on omet de prendre en considération un facteur d’influence ou que l’on regroupe plusieurs facteurs différenciés en un seul.
Cette omission peut conduire à des conclusions erronées, parfois même contraires aux faits :
Si les nouveaux contrats #MCO sont en cours de signature, leurs effets ne se verront que d’ici 2 à 3 ans, soit pas avant le bilan de l’année 2022…
Théoriquement parlant, pour mesurer les effets d’une mesure, il faut « inhiber » les autres facteurs d’influence. A défaut, des méthodes de Plan d’Expériences (ou méthode #Taguchi) sont possibles, mais supposent de pouvoir réaliser certains « jeux d’essais » avec des valeurs particulières, ce qui est souvent incompatible de données réelles, plus encore s’agissant de bilans synthétiques tels que sont les actuelles moyennes sur des exercices annuels.
Mais avant d’aller plus loin, quels sont ces possibles facteurs d’influence clés de la Disponibilité Technique ?
Rappelons avant toute chose que la #Disponibilité Technique est le nombre d’appareils en situation de réaliser une mission [sous 6 heures] comparé à la taille de la flotte.
Naturellement, on aurait tendance à définir 6 facteurs d’influence :
- En premier lieu : la taille de la flotte
- Le besoin d’emploi, qui crée de l’usure
- Point de crispation, la non-fiabilité des équipements
- Et donc, de là, la non-fiabilité de la logistique de rechange & réparation
- Les phases de maintenance hors ligne (Visite Périodiques, Grandes Visites)
- Et les chantiers de Retrofit
Pour « simplifier l’équation », je vais regrouper ces facteurs en 4 :
- La Capacité : la taille de la flotte
- La Charge d’Emploi : donc le besoin opérationnel
- La Charge MCO Tactique ou Continue : toutes défaillances de fiabilité et aussi les inéluctables Visites Périodiques et les Travaux Supplémentaires [non systématiques] issus en bonne partie de conditions d’emploi difficiles telles que les Opex.
- La Charge MCO Stratégique ou Occasionnelle : les programmes de Retrofit, mais aussi les GV (ou plus exactement l’impact d’une GV par rapport à une VP).
Nous avons donc :
Une Capacité qui est continuellement consommée par la Charge d’Emploi (variable) et la Charge MCO Continue (qui est une partie de la Capacité amputée et dont l’intensité va dépendre de celle de la Charge d’Emploi) et avec des pics occasionnels liés à la Charge MCO Occasionnelle (que l’on peut [abusivement] considérer comme indépendant de la Charge d’Emploi et donc uniquement fonction d’un calage dans le temps [générant ces pics])
L'équation opérationnelle est simple :
Capacité > Charge d'Emploi + MCO Continu + MCO Occasionnel
Y > X + f(X) + g(T)
Y > X + (Y*Z)*X + g(T)
En termes de Disponibilité Technique, la formule ne considère pas la Charge d'Emploi. On a :
DT = [ Capacité - ( MCO Continu + MCO Occasionnel) ] / Capacité
DT = [ Y - ( Y*Z*X + g(T) ) ] / Y
Présentés sous cette forme, nous identifions clairement les facteurs. Et en particulier celui ciblé par la réforme MCO : « Z », ce « gaspillage » continu.
… Mais influez sur un seul des autres facteurs et votre DT évoluera.
2022…
Un effet d’inertie (ou de backlog) fait qu’il faudra au moins 1 an 1/2, voire 2 ans, pour passer de la situation actuelle à la cible de la Réforme MCO.
Cela va nous porter vers mi-2021… Si les opérationnels pourront percevoir certains effets avant, et plus encore sur la 2e partie de l’année 2021, les synthèses annuelles ne remonteront une réelle évolution qu’à l’issue de la première année en « roulement continu », donc 2022.
Or, à cet horizon où nous sommes censé pouvoir constater, évaluer et mesurer les effets des réformes MCO, bon nombre de facteurs auront pu évoluer :
- Serons-nous toujours engagés, et avec autant d’intensité, dans les Opex actuelles ?
La France est supposée peu à peu sortir de ces opérations et passer le relais aux forces locales et onusiennnes. - Dans 3 ans, la situation de plusieurs programmes de Retrofit aura évoluée.
Ainsi 2019 doit marquer la fin des Retrofit Cougar et Caracal (cf. rapport sénatorial). - Par ailleurs, toujours à cet horizon, il y a des risques de flottes en GV.
Ainsi, des Caracal ont été livrés en 2011-2012 et devront donc rentrer en GV vers 2022 (et pas nécessairement au même nombre de chantiers simultanés que les Retrofit … l’analogie n’est donc pas possible).
Quelles conséquences ?
Ces évolutions font tout d’abord qu’il ne sera pas aisé d’isoler la variable « Z » et donc d’en déterminer le gain.
En d’autres termes : les évolutions (gains et/ou pertes) des MCO seront-elles le seul fait de la réforme du MCO ou également des changements de paradigmes ?
Mais dans ce cas, quel apport sera concrètement dû à la réforme MCO ?
Le rapport Gain de Dispo / Coût Nouvel MCO sera-t-il bénéfique ?
Pire :
En supposant le probable désengagement (au moins partiel mais notable) des Opex actuelles, les besoins Opérationnels vont considérablement baisser, ce qui aura certainement pour effet de ne plus mettre la disponibilité en tension et ne plus faire de la disponibilité le chemin critique de la satisfaction opérationnelle.
De pire en pire :
Selon les contrats signés, cela pourrait s’avérer contre-productif : entrainant des coûts pour une réserve de disponibilité non requise, superflue.
En termes d’Excellence Industrielle et de Just-In-Time, cela s’appelle du « Gaspillage ».
En définitive, est-ce que la Réforme MCO sera la source d’un nouveau cercle vertueux, soulageant de fait les autres facteurs sous tension (besoin Opex et conduite de programmes) ?
Ou est-ce que ce sera le relâchement de tension sur ces autres facteurs qui viendra sortir la disponibilité de son actuel cercle vicieux et masquer ainsi les défaillances du MCO (comme cela a été par le passé) ?
Préparer 2026-2030 !
Il convient en fait surtout de préparer 2026-2030 :
- A cette date, de nombreux matériels vieillissants verront leurs disponibilités chuter malgré une envolée des coûts. Leur maintien en condition, hors besoins avérés et non remplaçables, sera à mettre en doute :
- Puma
- Alouette III
- Gazelle
- Cougar (remplacement : 2030)
- 2026 sera aussi marqué par de grands programmes de Retrofit (au moins côté hélicoptères) :
- Caracal mi-vie
- Tigre Mk III
- Retrofit des Caiman Std1 en Std2 ?
Pour conclure
Le mode de mesure actuel (calculs de la Disponibilité Technique et de la #Disponibilité Technique Opérationnelle) est inadapté au process, ne permettant que de tirer une synthèse trop générique, sans en mesurer ni la juste réponse au besoin (#JIT), ni la criticité des différentes causes, et donc les responsabilités et leviers d’actions.
Surtout, la situation actuelle, cumulant des #OPEX intenses avec simultanément des grands programmes de #retrofit, et des flottes vieillissantes tandis que les renouvellements ont été retardés et/ou reportés et/ou réduits, a conduit à mettre la disponibilité du système en tension et même en rupture sur certaines flottes.
Il est à prévoir que d’ici 2022, les 3 grands facteurs que sont le Besoin d’Emploi, le #MCO continu (au travers de la réforme) et la fin de programmes de Retrofit, vont évolués tous 3 dans le même sens et concourir au regain de disponibilité.
Il n’empêche, cette situation était prévisible au regard des signaux plus ou moins faibles et est pour une bonne part la conséquence d’une mauvaise gestion de flotte (cf. « LPM : de la mauvaise gestion du Programme Tigre« ) telle que le maintien de programmes de Retrofit malgré Opex, soit par un entêtement contractuel négligeant, soit par un système MCO manquant d’agilité.
Pour ne pas répéter la situation et créer à nouveau un effet de résonance, les acteurs (étatiques & industriels) devront, dès 2022-2023, s’attacher à préparer la gestion de flotte 2026-2030.
© Julien Maire.